Malversations financières. Déféré à  »Sans-Famille », le DG Forêts se met à table

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Ghislain Moussavou le DG Forêts aujourd’hui à Sans-Famille. ©DR

Sud Télégramme le 25/05/2022 – Gardé à vue depuis vendredi dans geôles des services spéciaux de la présidence de la République pour concussion, enrichissement illicite et voie de fait, le Directeur général des Forêts, Ghislain Moussavou qui attend de passer en jugement, a commencé à citer des noms de potentiels complices.

Présenté devant le procureur de Libreville, hier mardi 24 mai, le protégé de Lee White a au terme de plus de 8 heures d’audition, écopé d’un mandat de dépôt à  »Sans-Famille », la maison d’arrêt de Libreville. Les preuves concernant les faits qui lui sont reprochés ayant été accablantes, toutes les tentatives du cabinet pour le libérer se sont heurtées à l’inflexibilité de la justice.

Lundi et mardi l’interrogatoire musclé mené par les agents des services spéciaux de la présidence, a eu raison du Directeur général des Forêts qui a fini par balancer des noms tout azimut.

Comme par un instinct de survie, Ghislain Moussavou, qui a passé sa première nuit en tôle, a pris la sage décision de passer à table. C’est ainsi que plusieurs noms ont été cités dans l’affaire, les uns comme témoins et les autres comme complices. Le prévenu cite sans surprise Ludovic Ngok Banak, Directeur du cabinet et  un certain Jean Richard Nze Ndong dit Mbele, Conseiller juridique de Lee White. Tous deux cités comme ayant reçu des pots de vin d’opérateurs forestiers.

Ça ne s’arrête pas là, il se susurre que le DGF aurait dans la foulée cité certains de ses proches collaborateurs, des agents sous sa responsabilité. Le nom d’un certain Idriss Roméo Émane, Directeur des Études à la Direction générale des Forêts revient constamment – C’est en effet par lui que transitent toutes les transactions financières des opérateurs forestiers. Cité en qualité de témoin, Idriss Roméo Émane devra fournir la documentation susceptible de tirer son chef d’affaire. Une mission quasi impossible au regard du dossier qui pèse contre son DG.

À côté de lui, plusieurs agents plus ou moins impliqués dans cette ‘’marmaille » ont également vu leurs noms être évoqués pendant l’interrogatoire. Ceux-là devront être entendus dans les tous prochains jours et il semble bien que la liste de ceux qui vont  rejoindre le DGF à Sans-Famille risque de s’allonger. Pourtant tout est parti d’une banale plainte.

La plainte de Tali Bois, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase

Si le DG Forêts a été écroué pour « concussion, vente illégale de permis forestier, faux et usage de faux », c’est en fait une plainte de la compagnie forestière Tali Bois qui a entraîné son interpellation ayant abouti à une garde à vue vendredi dernier. L’affaire débute en avril 2020. Tali Bois avait été emmenée a payer une amende de 90 millions de francs CFA pour diverses infractions. Notamment pour « non-respect du plan d’aménagement, manœuvres frauduleuses, fausses déclarations en matière forestière ».

Le Directeur général des Forêts a malgré tout procédé à l’annulation des permis forestiers de la compagnie verbalisée, quand bien même l’amende réclamée avait été soldée. Le Dgf ira jusqu’à initier une décision d’annulation signée par le ministre des Forêts, Lee White. Et ce, avant de revendre les permis en question à un autre opérateur.

Mieux, 6 mois plus tard, le même Lee White signait une autre décision, contraire à celle initiée par le directeur des forêts. Celle-ci annule purement et simplement l’Unité forestière d’aménagement (UFA) de Tali Bois pour laquelle elle a pourtant banqué 90 millions de nos francs. Un vrai far-west.

Se sentant donc roulés dans cette affaire, les responsables de Tali Bois vont déposer plainte contre Ghislain Moussavou. Une plainte qui vient s’ajouter à des dizaines d’autres portées contre le même mis en cause et pour des griefs similaires. Cette récrimination  »de trop » va entraîner son interpellation le vendredi 20 mai dernier autour de 17h45 à son bureau du 5ème étage du ministère des Eaux et Forêts.

Concussion et enrichissement illicite

Mais les faits ayant conduit Ghislain Moussavou à Sans-Famille portent sur d’autres affaires latentes. À en croire une source proche du dossier, les multiples plaintes, notamment celle d’une compagnie, propriétaire de concessions forestières portée contre une autre dénommée Pengxin Sarl, dans laquelle il est question « de faux et usage de faux, vol et exploitation illégale d’un permis forestier », n’ont fait qu’alourdir davantage le dossier déjà étoffé du dégé Forêts.

Pour ne rien arranger, dans un courrier consulté par nos confrères de Gabonreview on apprend que « certains agents de la direction générale des forêts ont participé à ces opérations en facilitant l’obtention des documents falsifiés à la société Peng  JLA Hua Sarl ». Selon une source proche de l’enquête, il ressort que Ghislain Moussavou, dont la nomination a été longtemps décriée, aurait reçu « trois véhicules et une importante somme d’argent ». Ce, pour avoir « facilité la signature d’une autorisation d’exploiter au bénéfice de la fameuse Pengxin Sarl ».

Toutes ces irrégularités n’ont fait que confirmer les constatations de l’audit de la Cour des comptes. Lequel audit avait révélé des malversations financières au sein de l’administration gérée par Lee White. Les syndicats du ministère des Eaux et Forêts avaient d’ailleurs, lors d’une sortie médiatique, alerté sur ces « détournements de fonds maquillés ». À l’époque, ils avaient même dénoncé un vaste réseau de détournement des fonds issus de la vente du bois abandonné « piloté depuis le 7ème étage ». Les syndicats avaient alors interpellé le président de la République. Il faut croire aujourd’hui qu’ils n’ont pas crié dans le désert.

Affaire à suivre…

Christopher Engone

Christopher Engone

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