[Gabon] Littérature. «La Dette» de Sylvie Bakong dévoilée au public

Sud Télégramme le 29/03/2022 – La bibliothèque universitaire de Libreville a servi de cadre hier lundi 28 mars à la cérémonie de présentation du livre de Sylvie Akiguet-Bakong, intitulé « La Dette, l’histoire d’une enfance volée ». Un livre qui révèle de manière fascinante l’histoire d’une fillette donnée en mariage et qui donnera naissance à l’un des plus grands cinéastes gabonais.

Devant un parterre d’universitaires, de journalistes et d’étudiants, Sylvie Akiguet née Bakong a présenté son premier ouvrage littéraire. Un récit écrit en prose, paru aux éditions Raponda Walker en janvier 2022 après, aux dires de l’auteure, plus de 40 ans de reconstitution, de recoupement des informations etc…
L’histoire de « La Dette » de Sylvie Akiguet-Bakong commence à Koumameyong dans l’Ogooué Ivindo (nord-est) et s’achève à Libreville dans l’estuaire en passant par Lambaréné dans le Moyen-Ogooué (centre) et l’Ogooué-Maritime (ouest) entre 1917 et 1980.
C’est l’histoire de l’enfance volée de la petite Avom qui, pour rembourser la dette contractée par son père afin de payer l’impôt de capitation colonial, va être donnée en mariage à seulement dix ans. C’est ainsi que, rebaptisée Banga par sa nouvelle famille, Avom partira forcée de son village natal, loin des siens, pour parcourir désormais plusieurs villages et contrées du pays au gré des ses beaux parents.
De ce mariage qu’elle n’a pas choisi, naîtra le petit Philippe qui deviendra le tout premier cinéaste gabonais. La naissance de ce fils augure finalement une fin heureuse pour Banga, puisqu’elle retrouve à Libreville une trace de sa famille biologique à laquelle elle a été si brutalement arrachée des années auparavant.
Dans une narration sobre, et mélancolique à la fois, Sylvie Bakong indexe subtilement ici la brutalité de l’administration coloniale – en l’occurrence, cet impôt de capitation exigé par le colon – d’être la cause de tant d’enfance volée et de familles disloquées. En effet sans cet impôt, le père n’aurait peut-être jamais contracté cette dette qui l’a obligé à se séparer prématurément de sa fillette.
Outre la finesse de la plume, «cet ouvrage pourrait aussi être vu comme une contribution anthropologique, étant donné qu’il permet, plus ou moins, d’expliquer les flux migratoires au Gabon du fait des mariages notamment» pense un invité. Le livre met également en lumière la diversité culinaire des peuples du Gabon, «avec des allusions qui mettront en appétit le lecteur» souligne l’un des critiques littéraires présent dans la salle.
Ce récit qui apparaît de prime abord comme une fiction, «est en réalité l’histoire de ma grand-mère» confie l’auteure. Dès lors, «en écrivant ce récit, Sylvie Akiguet-Bakong a-t-elle voulu, consciemment ou inconsciemment, se purger d’un trauma ?» s’interroge Honorine Ngou, femme de Lettres et ancienne ministre qui a d’ailleurs vanté un «chef-d’œuvre».
Si elle est à son premier livre, Sylvie Akiguet-Bakong, enseignante-chercheure et vice-doyen à la faculté des lettres et sciences humaines (FLSH) à l’université Omar Bongo (UOB), a déjà pas moins de 20 publications dans des revues scientifiques nationales et internationales de renom. Elle est par ailleurs psycholinguiste, Maître de conférences Cames et directrice du centre de recherche et d’étude en psychologie.