50 ans du Hip-Hop africain : “un hip-hopeur est un activiste” dixit Docta


11 août 1973- 11 août 2023 le Hip-Hop a 50 ans. Depuis quatre décennies, Docta, artiste graffeur, président de la Doxandem squad, Sénégal, est au service du Hip Hop. Il a fondé Doxadem, première structure de graffiti en Afrique. Il est organisateur du “Festigraff”, le premier festival international de graffiti du continent africain.

Aujourd’hui, la rédaction de sudtelegramme.com s’est entretenu avec l’un des artistes Graffeurs les plus talentueux au monde car son expertise et son implication international dans le développement du graffiti est reconnu dans le milieu du HH.

1/ Quelle est votre définition du Hip Hop ?

Pour moi le Hip-Hop est une source d’apprentissage, de partage et de représentativité à travers les formes d’expression existantes du Hip-Hop.

Si on se base sur la définition en général, on ne l’adapte pas à la réalité mais plutôt à “sa réalité” en faisant de ce mouvement ma source de vie. Et je défend ma communauté à travers mon art et c’est ce qui me rend utile. Alors utiliser le Graffiti( visuel), la Dance (physique), le Rap (oral) le Djing (maestro et harmonie), le Hip-Hop est pour moi une manière de raconter ce que vit ma communauté tous les jours. Je la sensibilise, la conscientise et la depeins à travers le graffiti que j’ai choisi comme métier.

2/ Comment est né le Doxandem Squat Crew ?

On a découvert le Hip-Hop en 1984 avec la danse qui a été la première expression qu’on a connu à travers des vidéos et plus tard de par les magazines le rap, le danse et le graffiti. Doxadem a été créé en 1994.

Partant d’un constat mais également voulant utiliser une forme d’expression différente. L’ aspect qu’on utilisait déjà mais surtout de faire développer et connaître le graffiti et donner une démarche différente du graffiti dans notre continent qui est différent de l’égocentrisme. Utiliser une forme d’expression pour défendre conscientiser avec un support visuel.

3/ Du break-dance au graffiti, comment s’est passé la transition ?

Ce fut une continuité car avant la danse j’ai rapé, pour moi c’était juste m’exprimer d’une manière différente avec à l’appui cette fois-ci non seulement des messages mais encore avec un plus que sont les outils utilisés pour réaliser les fresques.

4/ Quelle est l’histoire autour de la naissance du Festigraff ? a-t-il été bien accueilli par l’opinion ?

Quand on est hip-hopeur on est direct activiste donc on est la voix de la population. Cette voix s’exerce soit en criant ou en immortalisant des situations que vivent cette dernière. La méthode adaptée a été de montrer à la population qu’on n’est pas là pour détériorer l’environnement mais plutôt de voir le graffiti comme une chose importante dans leur existence.

Ceci est visible à travers l’embellissement mais également à travers la conscientisation via les messages qui y sont transmis.

5/ Graffiti et préservation de l’environnement font-ils bon ménage ?

Oui et Non. Oui pourquoi parce qu’il rend beau déjà donc l’esthétique. Mais encore, selon notre méthode de travail, nous nettoyons d’abord le lieu de travail donc l’environnement avant de s’engager à poser notre graffiti pour ainsi rendre le lieu vivable à travers les couleurs ensuite place au message qui s’adresse à qui de droit. Donc à 90% “Oui” graffiti et environnement vont de paire car il redonne vie à cet espace.

Les autres 10% Non parce que les outils qu’on utilise sont des produits industriels, aujourd’hui il y’a un changement avec des bombes à eaux communément appelé «water based» qui change la donne.

6/ 40 ans au service du hip hop, racontez-nous quelques anecdotes croustillantes.

Il m’est arrivé de faire une fresque sur un mur d’école mal propre alors j’ai acheté 3 à 4 seaux de peintures avec lesquels j’ai repeint toute la façade de l’école. Je devais également utiliser une fine partie pour exécuter ma fresque.

En plein travail la police me dépasse et à leur retour ils m’interpellent, disant qu’ils ont été avertis de la présence d’une personne qui détériorait le mur de l’école. Je leur ai répondu que j’étais seul sur ce mur et que tout seul je l’ai peint. Avant d’ajouter que j’allais faire une fresque. Vu que les smartphones n’existaient pas à l’époque ou en tout cas pas comme aujourd’hui. je n’avais donc pas la possibilité de prendre des photos. Celles-ci me serviraient de preuves. Ils m’ont amenés au poste.

Arrivé au poste j’ai été présenté au commissaire.
( rires) Heureusement pour moi, il s’avère que ce dernier était le cousin de mon manager de l’époque. Tous les après-midi j’étais chez eux pour prendre le thé. Il demande a ses agents qui suis-je?

Ils répondent que je suis le seul qu’ils ont trouvé sur le mur, alors j’ai expliqué que je faisais une fresque et qu’au préalable j’ai peint le mur de l’école sachant que j’ai acheté ma propre peinture pour pouvoir réaliser cela.

Le commissaire me pose la question de savoir si je ne fréquentais pas telle personne, je réponds que oui c’est mon manager. Il rétorque en me me disant que c’est pour eux qu’on fait le thé tous les après-midi chez ce cousin (car ils étaient plus âgés que nous).

Alors le commissaire a demandé à ses agents de me ramener au mur et les agents ont confirmé qu’ils m’ont trouvé entrain de peindre.

7/ Quel est votre message à la jeune génération ?

Le graffiti est un support très sensible à la population donc le message que je pourrai partager aux jeunes c’est d’avoir une vision mais également une identité une empreinte, s’inspirer de bonnes personnes et de choses positives.

Je me suis moi-même inspiré de personnes tel que Mame Cheikh Ibra Fall, Serigne Touba, Cheikh Anta Diop et tant d’autres à faciliter le message que l’on transmet.

8/ Votre mot de fin.

Remercier le bon Dieu de nous avoir donné la possibilité et l’opportunité de faire partie de ceux qui ont inspiré le continent.


Bussine Di Muetsa

Bussine Di Muetsa

Communicateur de formation ayant travaillé pour l'image de marque de plusieurs personnalités publiques, je suis passionée de mode et de culture féminine.

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